"Je propose nulle" : Ça veut dire quoi ?

On l’a tous déjà vécu, en tant que joueur d’échecs. Le fameux « Je propose nulle ». Soit de ma part, soit de l’adversaire. Mais qu’est-ce que représente cette possibilité de faire match nul au cours de la partie ? Comment l’utiliser à notre avantage, et surtout ne pas être déstabilisé par la proposition de l’adversaire ? Cela dépend de nos croyances sur ce sujet.

On appelle cela le « match nul par consentement mutuel ». C’est la possibilité que l’on a, tout au long de la partie, de décider avec son adversaire d’arrêter la partie et décréter le résultat nul. Pas de gagnant, pas de perdant, 0,5 point chacun.

C’est une spécificité des échecs. Dans aucun autre sport il n’est possible d’arrêter le match avant la fin pour décréter ce résultat nul. Imaginez un peu une  finale de Grand Chelem au tennis, un choc Nadal-Federer dans lequel, après un set partout, les deux joueurs se mettraient d’accord d’arrêter le match avec un résultat nul. Heureusement pour nous, ça n’existe pas ! 🙂

C’est pareil au football. Quand match nul il y a, c’est après que les joueurs aient disputé la totalité des 90 minutes + arrêts de jeu. Les deux équipes ne se mettent pas d’accord à la mi-temps sur le résultat final, ni d’arrêter le match.

Le fait que cette possibilité de proposer nulle existe aux échecs va avoir des conséquences sur la manière dont se passe ma partie …

Conséquences sur la manière dont se passe ma partie

 

  • Quand moi-même, joueur, je vais hésiter à proposer nulle. Cette possibilité peut me polluer un peu dans ma réflexion, me déconcentrer des calculs en cours, ou m’amener à me poser des questions inutiles. Cela arrive souvent quand je ne suis pas au clair sur ma position (est-ce que je suis « bien » ou pas) ou alors la manière de continuer la partie (prendre des risques, jouer plus tranquillement ?) Dans ces situations, je peux être tenté de proposer nulle. Peut-être maintenant ou peut être le coup d’après, selon la manière dont réagit mon adversaire au coup qui vient. Cela risque aussi de me faire utiliser plus de temps de réflexion.

 

  • Quand mon adversaire me propose de faire match nul. J’étais en train de réfléchir, de calculer mon attaque ou de chercher la bonne stratégie à employer pour défendre cette finale … et puis d’un coup arrive cette info où l’adversaire me propose nulle. Qu’est-ce que j’en fais ? Est-ce qu’il me propose nulle pour une raison particulière ? Fait-il ça pour me déstabiliser ? Il a plus d’élos, ou alors moins d’élos que moi … dans tous les cas, cette information peut me déstabiliser un peu. Surtout si je n’ai pas beaucoup de temps à la pendule. Pourquoi ? Parce que quand on fait face à une proposition de nulle on va avoir tendance à réfléchir plus, réfléchir sur la position et sur la proposition de nulle en tant que telle.

Comment essaye-t-on de gérer cette situation habituellement ?

 

Eh bien on essaie d’évaluer la position de la meilleure façon possible. On va regarder si on est vraiment mieux ou moins bien, comprendre pourquoi l’adversaire propose nulle, si il a vu quelque chose que l’on a raté … en tous les cas on est concentrés sur la position et on essaie de prendre notre décision en lien avec cette position.

 

Prenons en compte ce qui se passe mentalement !

 

C'est ce que je vous propose : ajouter cette information mentale à votre réflexion.
Réfléchissez par vous-mêmes. Rappelez-vous vos parties récentes, que ce soit le week-end dernier ou que ce soit il y a 3 mois. Que se passe-t-il quand vous proposez nulle. Comment vous sentez-vous à ce moment-là ? Dans quel type de position le faites-vous ? Pourquoi ?

La réponse est assez simple en fait. Et dans la majorité des cas c’est la même chose :
On propose nulle quand on ne se sent pas à l’aise. On ne se sent pas bien, voire mal, dans la position. Je dirai même plus : quand on propose nulle on a peur de quelque chose. C’est très rare de proposer nulle alors qu’on se sent gagnant et en confiance, vous êtes d’accord avec moi. On propose nulle quand quelque chose ne va pas.

 

Étant d’accord avec cette idée, on peut créer dans notre tête l’association : « Quand je propose nulle, j’ai peur de quelque chose ». Cela peut être une petite ou une grande peur : Peur que ma position se détériore, peur de perdre cette partie et ses points élos, peur que mon adversaire voit un bon coup pour lui et prenne un avantage …. En tout cas, j’ai peur de quelque chose. Proposer nulle revient donc à dire à l’adversaire  « j’ai peur, j’ai envie que la partie s’arrête là ! »

Et ce qui est vrai pour moi le sera aussi pour mon adversaire ! Lorsque mon adversaire me propose nulle, c’est que lui aussi a peur de quelque chose. Il n’y a pas de raison que ce soit différent de moi.

Réaliser cette association va nous aider durant la partie

Comment . De 3 façons :

  • Quand l’adversaire me propose nulle, cela me donne un avantage. Je réalise ainsi qu’il n’est pas serein ou qu’il n’est pas bien. Il y a un truc qui le dérange… Je ne sais pas quoi encore, à moi de le comprendre, mais en tous les cas ça me donne un avantage. Je peux donc me sentir serein et en confiance à ce moment-là de la partie.
  • Réaliser l’association « Je propose nulle = J’ai peur » peut aussi me faire arrêter de proposer nulle quand je suis moins bien. Autrement, c’est un aveu que je me sens un moins bien dans la position ou à la pendule. Proposer nulle revient à souligner, à montrer à l’adversaire que je ne me sens pas bien.
    On peut donc …. Arrêter de proposer nulle ! 🙂
  • Ou alors … Proposer nulle uniquement dans des situations précises, pour perturber mon adversaire. A des moments où je sais que ça va le perturber.
    Par exemple, quand je me sens moins bien objectivement dans la position mais que mon adversaire a très peu de temps à la pendule. Face à ma proposition, l’adversaire peut se poser plusieurs questions, comme « Est-ce que vraiment je vais réussir à gagner la partie ? », « J’ai pas beaucoup de temps », « C’est peut-être plus sur de faire nulle », etc.
    Ou encore quand j’ai plus d’élos que mon adversaire mais que je suis moins bien dans la position, je peux me dire que proposer nulle est malin car l’adversaire peut avoir peur de mon élo, il sera tenté d’accepter la nulle car je suis censé être plus fort que lui. Dans ces situations spécifiques, la proposition de nulle devient un outil, une arme.

Alors ….  Que retenir de mes propositions ?
Voulez-vous continuer à proposer la nulle à votre adversaire quand vous êtes en mauvaise posture ? Serez-vous en plus en confiance la prochaine fois que cet adversaire vous proposera nulle ? Utiliserez-vous cette possibilité comme une arme de déstabilisation massive ?

A vous de choisir !

Dans tous les cas, bonnes parties à venir 🙂
Alain